Thierry Bolle: “Les gens ont envie de consommer, de se faire plaisir”

La crise liée au coronavirus n’a laissé aucun secteur économique indemne. Thierry Bolle, président de l’UPSA Genève, l’association faîtière des garagistes, dresse un état des lieux au moment de la réouverture des showrooms.

Thierry Bolle,
Président de l’UPSA Genève

– Les showrooms ont rouvert le 1er mars. Comment les garagistes ont traversé cette crise?

– Sur l’année 2020, nous avons été touchés de plein fouet par le ralentissement de l’économie. La fréquentation aussi bien des showrooms que des ateliers a fortement diminué. Au niveau des ventes, l’activité a été totalement stoppée lors des fermetures. Plus de ventes, mais plus de livraisons non plus. Certains clients craignaient même pour leur santé à venir prendre possession de leur nouveau véhicule. Les chiffres des immatriculations illustrent clairement ce ralentissement, de l’ordre de 25% pour la Suisse. A ces désagréments locaux s’ajoutent les fermetures d’usines, pour certaines pendant 8 semaines. Les plans de production ont été réduits ou reportés, ce qui de facto diminue les flux de distribution vers les importateurs et donc les garagistes. Pour 2021, nous sommes contents d’être rouverts depuis le 1er mars. Bien qu’une certaine incertitude règne encore, nos clients perçoivent une forme de retour à la normalité et fréquentent à nouveau les showrooms de manière spontanée. C’est très positif. En revanche, la seconde fermeture a de nouveau fortement impacté les ateliers, conduisant parfois à la diminution des effectifs en mécanique en raison du manque d’activité.

– Pendant cette crise, votre secteur a-t-il été bien soutenu par l’Etat?

– Nous avons été relativement bien soutenus au travers de la politique des RHT, il faut le dire. Les processus administratifs et les paiements des indemnités RHT ont été efficaces et rapides. S’agissant desdits «cas de rigueur», je sais en revanche que les entrepreneurs indépendants n’ont pas encore vu la couleur d’un franc depuis plusieurs mois. C’est un véritable scandale! Ces entreprises jouent leur survie et la lenteur décisionnelle des politiques est inepte.

– Avez-vous connaissance d’entreprises parmi les membres de l’UPSA qui sont en sérieuses difficultés? 

– Je n’ai pas encore de chiffres précis. Mais nous traversons une période très délicate. Dirigeant une entreprise de 25 collaborateurs, je vois bien les difficultés auxquelles nous sommes tous confrontés dans la branche. Je peux donc imaginer que dans une structure deux ou trois fois plus grande, les problématiques sont multipliées par le même facteur. Sans parler des indépendants, restés sans aucune ressource. L’impact de la crise peut également être accentué, pour les concessionnaires officiels, si la marque représentée se positionne dans un segment de clientèle plus ou moins sensible aux soubresauts économiques.

– Assisterons-nous à un effet de rattrapage sur l’activité dans les mois à venir?

Peut-être au niveau des ventes. Les gens ont envie de consommer, de se faire plaisir. Pour les ateliers par contre, je n’en suis pas certain. La reprise dépendra de la manière dont les clients vont se déplacer, dans quelle proportion et si la voiture restera leur premier choix.

– Les ventes de voitures neuves sont en forte baisse. Qu’en est-il de l’occasion? 

– Depuis la mi-mai 2020, après le premier semi-confinement, on a assisté à un regain d’intérêt pour la voiture d’occasion, pour deux raisons. En premier lieu, l’achat faisait suite au quasi-arrêt du transport aérien qui a nécessité la réorganisation des vacances par exemple. La sécurité et la liberté de mouvement que procure un habitacle confiné a augmenté l’attrait pour la voiture durant cette période. En second lieu, l’incertitude sur les délais de livraison a conduit certains clients à se rabattre sur l’achat d’un véhicule d’occasion immédiatement disponible. Toutefois, depuis le début 2021, l’activité sur le marché de l’occasion a ralenti.

– Est-ce que cette crise a incité les garagistes à imaginer de nouveaux modes de vente?

– Oui, une évolution est notable à plusieurs niveaux. D’une part, il a fallu que nos espaces de vente restent accessibles d’une autre manière durant la fermeture. La plupart des concessionnaires ont publié en ligne la totalité de leur stock, avec des photos et les descriptifs. Nous communiquons aussi beaucoup plus avec nos clients au moyen des réseaux sociaux. Enfin, cette situation a accéléré le processus de digitalisation, notamment en mettant à disposition des clients des plates-formes de services en ligne sophistiquées, comme pour la réservation des rendez-vous en atelier.

– Le Salon de la voiture d’occasion est un événement phare de l’UPSA Genève. Qu’en est-il? 

– 2020 aurait dû voir une édition, qui a été annulée pour les raisons que l’on connaît. Pour 2021, nous avons le projet d’être présents avec un Salon de la voiture d’occasion vers la fin de l’année, pour autant que les conditions sanitaires le permettent. Les dates ne sont pas encore arrêtées.

“La formation est primordiale pour notre association”

Les garages genevois forment chaque année environ 300 apprentis. L’UPSA est très impliquée dans la formation de base et continue des professionnels de l’automobile. «Nous croyons dans la relève. Nous encourageons fortement la formation en incitant nos membres à engager des apprentis et contribuons à leur formation dans notre centre du Petit-Lancy.» confie Thierry Bolle. La faîtière a par ailleurs en projet la construction d’un nouveau campus dans la zone industrielle de Plan-les-Ouates. Il devrait regrouper sous le même toit d’autres acteurs de la mobilité au travers de leurs associations respectives, tels que les carrossiers, les poids-lourds ou encore les 2-roues. «Les technologies de la mobilité évoluent à une vitesse folle. Elles nécessitent aujourd’hui des compétences pointues en électronique, en électricité courant-fort et bientôt en hydrogène. Nous devons tous être proactifs; si les besoins du marché, les habitudes en termes de mobilité et les métiers changent, nous restons toujours les interlocuteurs privilégiés s’agissant des aspects techniques.» ajoute le Président de l’UPSA Genève. Malgré les incessants coups de boutoirs contre la mobilité individuelle de certains bords politiques, l’automobile attire toujours les jeunes pour leur carrière, comme en témoigne l’affluence aux tests d’aptitude réalisés par l’UPSA en fin de scolarité obligatoire. «L’automobile est un formidable outil de liberté qui fait toujours rêver et les jeunes l’ont bien compris. Ils seront les acteurs de la mobilité de demain et j’ai totale confiance en eux», conclut Thierry Bolle.

Propos recueillis par Jérôme Marchon